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dimanche 25 janvier 2015

Introduction



TPE: Première L au Lycée Saint Sernin de Toulouse, janvier 2015:  Lou Belbeze, Lou Bert et Margot Henri-Ostermann
Qui est Rosie?

Introduction



In 1941 the United States joined the Second World War following the Surprise Air Attack from the Japanese fleet at the U.S. Naval base Pearl Harbour in Hawaii. It is both a military and ideological investment. Men are called to the front, women stay behind- they have to stand in for men's work in the factories. This situation is called the 'home front' is illustrated by the fictional feminist icon Rosie the Riveter. Rosie comes into the existence of the media(songs,posters) from 1942. She is a woman who wears a red bandana in her hear, she is a strong girl and determined to help her country. We've decided to interest ourselves in this character (her influence on society, on women) since the Second World War until today. Firstly, we've decided to interest ourselves at the birth of this character in order to understand her nature. In the second section, we will question the distribution of the image and the evolution of the role given to American women in America's society in 1936, 1942 and 1950. Within the first two parts we pose the question: is Rosie the Riveter an object of propaganda? Finally, in the last part we will study the use of the icon and the journey it has taken over time. 

En 1941, les Etats Unis entrent en guerre  suite à l’Attaque aérienne surprise de la flotte japonaise sur la base navale américaine de Pearl Harbor à Hawaii. C’est un investissement aussi bien militaire qu’ idéologique. Les hommes sont appelés au front, les femmes restées a arrière doivent remplacer la main d’oeuvre dans les usines. Cette situation appelée the home front est illustrée par l’icone fictive féminine : Rosie the riveter. Rosie apparaît dans les médias (chansons, affiches) à partir de 1942. C’est une femme qui porte son bandana rouge dans les cheveux, une femme forte, une femme déterminée, prête à aider son pays. Nous avons décidé de nous intéresser à ce personnage,( à son influence sur la société, sur les femmes ) depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. En se demandant de quelle façon elle a influé les femmes pendant la guerre et de nos jours. Nous avons décidé de nous intéresser dans un premier temps à la naissance du personnage pour comprendre sa nature, dans un second temps à sa diffusion par l’image et l’évolution de la place accordée aux femmes dans le société américaine en 1936 et en 1950. Au cours de ces deux premières parties nous nous poserons la question suivante  : Rosie the Riveter est elle un objet de propagande ? Enfin, dans un dernier temps, nous étudierons l’utilisation de cette icône et les sens qu’elle a pris au cours du temps

Who is Rosie?
Image en provenance de http://romain-hugault.blogspot.fr/2009/10/pinup-wings-ii.html

vendredi 23 janvier 2015

La chanson

Rosie The Riveter la chanson

Rosie the Riveter est un personnage qui apparaît à partir de décembre 1942 dans les médias, surtout dans des chansons et des affiches mais aussi au théâtre par exemple Réf 1. Ce personnage est inventé de façon à encourager les femmes à changer leur quotidien et à leur donner un modèle pour remplacer les hommes à l’arrière du front.


Ce personnage est, à première vue, un réel outil de propagande.
Réf 1 : Sites d’archives de journaux américains : NYS Historic Newspaers, [en ligne]. [consulté le 15/01/2015],Disponible sur Internet http://nyshistoricnewspapers.org/lccn/sn85009634/1944-04-05/ed-1/seq-1/

1.1 Définition de la notion de propagande

Il existe un nombre très important de définitions de la propagande. Le sens américain est même différent du sens français, du fait de deux histoires différentes (la France est très marquée par la propagande sous le régime de Vichy). Et pour savoir ce qui dans la modification de l’image de la femme à laquelle on s'intéresse, est issu d’une prise de conscience ou d’une manipulation mentale il nous faut définir d’abord ce terme. La définition qui semble souligner le mieux la difficulté à cerner le mot de « propaganda »  tout en développant son sens est encore celle de l’encyclopédie Britannica: “Propaganda, dissemination of information — facts, arguments, rumours, half-truths, or lies—to influence public opinion. Propaganda is the more or less systematic effort to manipulate other people’s beliefs, attitudes, or actions by means of symbols (words, gestures, banners, monuments, music, clothing, insignia, hairstyles, designs on coins and postage stamps, and so forth). Deliberateness and a relatively heavy emphasis on manipulation distinguish propaganda from casual conversation or the free and easy exchange of ideas. The propagandist has a specified goal or set of goals. To achieve these he deliberately selects facts, arguments, and displays of symbols and presents them in ways he thinks will have the most effect.” Réf 2 

Que nous pourrions traduire ainsi : "La propagande, diffusion de l'information - faits, arguments, rumeurs, semi-vérités,ou  mensonges dans le but d’ influencer l'opinion publique. 

La propagande serait donc l'effort plus ou moins systématique de manipuler les croyances, les attitudes ou actions d'autres personnes au moyen de symboles (des mots, des gestes, des bannières, des monuments, de la musique, des vêtements, insignes, coiffures, des conceptions sur des pièces de monnaie et les timbres-poste, etc.). De manière délibérée et insistante la manipulation se distingue de la conversation ou de l'échange d'idées d’une conversation ordinaire. Le propagandiste a un but précis ou un ensemble d'objectifs. Pour atteindre ses buts il choisit délibérément les faits, arguments et affiche des symboles et les présente de la façon qu'il pense avoir le plus d'effet ". 
D’après cette définition, “la propagande serait une volonté de manipulation”. En cela elle impose donc que le manipulateur ait volonté donc conscience de son but et ce but est la manipulation. Échanger des idées dans l’intention de convertir en votre croyance n’est donc pas de la propagande. En posant la question : “Comment convertir ou convaincre? “, le but devient non pas de convaincre mais de trouver un moyen de convaincre. Dans ce cas là ce serait alors de la propagande.

Afin de mieux comprendre les relations complexes entre les américains et les actes de propagande pendant la seconde guerre mondiale, il nous semble important de revenir sur l’histoire et l'évolution de la propagande et plus particulièrement sur l’histoire de la propagande aux Etats Unis en temps de guerre.
Réf 2 : Bruce Lannes Smith, Encyclopeaedia Britannica, Propaganda [en ligne]. 2014. [consulté le 15/01/2015],Disponible sur Internet http://global.britannica.com/EBchecked/topic/478875/propaganda

1.2 Histoire de la propagande aux Etats-Unis en temps de guerre

Pendant la première guerre mondiale le responsable de la propagande aux Etats-Unis est Edward Bernays. C’est le neveu de Freud et il va se fonder sur ses travaux pour créer sa théorie. Bernays considère la propagande comme légitime. Il déclare dans son ouvrage Propaganda “ The conscious and intelligent manipulation of the organized habits and opinions of the masses is an important element in democratic society.”. Réf 3 Cette position traumatise une partie de la population. En conséquence, le gouvernement des Etats-Unis pendant la deuxième guerre mondiale va nommer à la tête de l’OWI (United States Office of War Information) un directeur qui sera opposé à son « prédécesseur ». Davis est aussi fort apprécié par ses pairs pour ses qualités et principalement pour son honnêteté. Il déclare désirer "voir que le peuple américain est honnêtement informé" to “see that the American people are truthfully informed”.
Réf 3 : Edward Bernays, Propaganda, Préface de Normand Baillargeon, Ig publishing 2004. Version française Zones / Éditions La Découverte, Paris, 2007.Réf 4 : Cutlip, Scott M.. The unseen power: public relations, a history. L. Erlbaum Associates. p. 185. ISBN 0-8058-1464-7. 1994.

1.3 A l’origine de l’image : La chanson

1.3.1 Histoire de la chanson

En 1942 Redd Evans et John Jacob Loeb ont écrit et composé une chanson qui porte ce nom célèbre de Rosie the Riveter.
Nous ne savons pas grand-chose sur le moment de l’écriture et de la composition. Cependant nous savons que Rosie n’était pas une personne réelle. Pendant l’écriture de l’ouvrage “The true story of Rosie the Riveter: Women Working on the Home Front in World War II” Penny Colman a pu interviewer la veuve de John Jacob. Elle affirme alors que le titre de la chanson n’était pas lié à une personne réelle mais simplement choisi pour ses qualités sonores, il sonnait bien Réf 5.


L’étude la partition est aussi importante. Dans la partition originale on trouve le célèbre “Br~~~”.
Figure 2 : Rosie the Riveter first Score including the “Brr~~~~~~~~”


Ce son est présent, semble-t-il pour rappeler le son d’une riveteuse. Mais une riveteuse ne présente pas du tout ce son. C’est un engin pneumatique qui n’émet un son qu’au placement de chaque rivet Réf 6 et absolument pas un système émettant des vibrations tel qu’un marteau piqueur avec lequel il semble être ici confondu. Si la confusion semble nous renseigner sur les compétences des auteurs en matière industrielle, encore qu’il semble bien qu’ils en aient certaines puisqu’ils connaissent la signification du « E » signifiant Excellence « When they gave her a production "E" », elle est aussi peut être le moyen de placer une référence à l’évocation d’un acte sexuel ou pour le moins à la mise en vibration du corps féminin de « Rosie ». Mise en vibration bien plus évocatrice qu’un simple « pchiiittt » ou « poc » de très courte durée. Nous devons cependant reconnaître un hommage. Dans la phrase “That little frail can do more than a male will do “ que l’on peut traduire par “cette petite mignonne peut faire plus qu’un mâle”, la femme est certainement vue comme mignonne « frail » donc une jeune fille dans les codes de la représentation féminine classique, mais elle celle-ci est capable de plus qu’un homme. Cette opposition mâle / femelle ou la femelle sort vainqueur est un véritable bouleversement de l’image de la femme.
Réf 5 : Unca Marvy. Interviews with John Jordan and Norval Taborn by Marv Goldberg The original of this article appeared in: Yesterday's Memories [en ligne]. 1976. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://www.uncamarvy.com/4Vagabonds/4vagabonds.html
Réf 6 : University of Missouri-Kansas City. First score-Source. A project in partnership with the Truman Presidential Museum and Library [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://test.library.umkc.edu/spec-col/ww2/warnews/rosie.htm
Réf 7 : Pond5. The World's Stock Media Marketplace. Sound Effects [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://www.pond5.com/sound-effect/8859007/industry-aircraft.html

1.3.2 L’interprétation initiale

Nous avons recherché la plus ancienne version disponible et retrouvé sur le site d’archives d’émission radio http://otrrlibrary.org une archive audio d’une émission de radio du début décembre 1942  Réf 8 . L’émission en question est facilement datable du fait qu’à la seconde 43 de l’enregistrement, le présentateur déclare : “Folks, one year ago this week, the japs attacked Pearl Harbour…” (”Nous sommes dans la semaine du premier anniversaire de l’attaque de Pearl Harbour” [cliquez ici pour entendre cet extrait]. L’attaque de Pearl Harbor est datée du 7 décembre 1941, nous pouvons ainsi dater l’émission entre le 1 et le 14 décembre 1942. En cherchant dans les archives de journaux américains en ligne Réf 9 nous trouvons une première référence à la chanson dans le journal REPUBLIC – DEMOCRAT, BROCKORT, N. Y du 19 novembre 1942.






Mais cet article ne correspond pas à l’enregistrement de l’émission de radio. Par contre, un article de journal dans le “The Fresno Bee The Republican” (Fresno, California) du samedi 12 décembre en page 4 qui parle d’une chanson Rosie the Riveter chantée par les Hoosier Hot Shots. L’article dit : ”... When the Hoosier Hot Shot will start things moving with Budy. They also will present their version of Rosie the Riveter later in the program.” Réf 11 et c’est exactement ce que nous pouvons entendre dans l’enregistrement audio à la minute 21 et 50 secondes [cliquez ici pour entendre cet extrait].
L’orchestre participant à l’enregistrement de l’émission radio du début décembre 1942 est : The Hoosier HotShots.  Bien que ce ne soit pas le morceau qui nous intéresse une écoute des The Hoosier Hot Shots est parlante, nous n'avons pas la date de cette vidéo mais le titre "She broke my heart in three places" a été enregistré par le groupe en 1944.



The Hoosier Hotshots,"She broke my heart in three places"

Ces quatre musiciens se définissent eux même comme “The Rural Rhythm Boys” que l’on pourrait traduire par « Des garçons de ferme qui ont le rythme ». L’orchestre est défini par le site de streaming musical MusicSpotity Réf 12 comme “quartet of madcap musicians”, autrement dit: un quartet de musiciens burlesques. Un des musiciens a construit lui-même son instrument de percussion qui se nomme "Wabash Washboard”, il inclut une planche à laver (washboard), des klaxons de vélos, des cloches et des sifflets de toutes sortes. Le moins que l’on puisse dire c’est que ces quatre garçons ne font pas très sérieux. Toujours à l’écoute de l’archive de l’émission de radio, nous remarquons que le présentateur introduit l’orchestre : les Hoosier Hot Shots comme les quatre « Roméo ». Il déclare à la fin de la prestation “the Hotshots will certainly join Rosie the Riveter” ce que l’on peut traduire par « ils vont certainement rejoindre Rosie the Riveter ». Ces deux commentaires apportent une « évocation sexuelle » ou pour le moins érotique à la chanson.

Figure 4 : Rosie the Riveter original Lyrics Réf 13
Si l’étude de cette première interprétation est indispensable à la compréhension du phénomène Rosie, il nous faut aussi étudier la version la plus célèbre qui a été réalisée plus tard.

Réf 8 : Old Time Radio Researchers. Old time Radio Researchers group Library, [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://otrrlibrary.org/OTRRLib/Library%20Files/N%20Series/National%20Barn%20Dance/The%20National%20Barn%20Dance%2042-12-05%20(x)%20First%20Song%20-%20Rosie%20the%20Riveter.mp3, site consulté le 15 javier 2015
Réf 9 : Sites d’archives de journeaux américians : http://www.newspapers.com, http://otrrlibrary.org http://nyshistoricnewspapers.org/, sites consultés le 15 javier 2015
Réf 10 : Northern New York Library Network. NYS Historic Newspapers [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://nyshistoricnewspapers.org/lccn/sn88074072/1942-11-19/ed-1/seq-4/, site consulté le 15 javier 2015
Réf 11 : historical newspapers from across the United States and beyond, Newspapers from the 1700s–2000 [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://www.newspapers.com/search/#query=Rosie+the+riveter&ymd=1942-12-12
Réf 12 : Musicspotify, Smartly discover new music and friends [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://musicspotify.com/artist/Hoosier-Hot-Shots
Réf 13 : Douglas Tallack , Twentieth-Century America: The Intellectual and Cultural Contex, Routledge, ISBN-10: 0582494559, ISBN-13: 978-0582494558, 1991

1.3.3 L’interprétation la plus connue et l’évolution entre les deux versions

La chanson sera ensuite enregistrée par de très nombreux groupes mais la version la plus célèbre est celle chantée par The Four Vagabonds. Cette version est enregistrée le 15 janvier 1943. Ces artistes racontent qu’ils ont enregistré le morceau seulement une heure après en avoir reçu la partition en remplacement d’une chanson prévue dans la séance de studio, qui présentait un problème de droit d’auteur : “...but at the last moment, the composer refused to sign a release. Bluebird officials gave then ROSIE THE RIVETER and ROSE-ANN OF CHARING CROSS and told the group that if they liked the tunes, a new session date would be arranged. The versatile group looked the songs over, fooled with them for a half hour, and then informed Bluebird that another hour of practice was all the time they needed. They went on to cut them both in only one take apiece!". Réf 14






Réf 14 : Penny Colman. Award Winning for all ages. On Writing Rosie The Riveter. On Writing Rosie The Riveter [en ligne]. [consulté le 15/01/2015], Disponible sur Internet http://pennycolman.com/on-writing-rosie-the-riveter

1.3.4 Analyse sociologique de la chanson


Entre les deux versions il y a effectivement quelques différences.

L’image des Four Vagabonds est bien différente de celle des Hot Shot. The Four Vagabonds sont plus élégants que les Hoosier Hot shot. Ce sont tous les quatre des hommes de couleur alors que les Hoosier Hot Shots sont blancs. The Four Vagabonds ne jouent que d’un seul instrument : la guitare (Même si pour Rosie the Riveter un cinquième instrumentiste, au piano, sera présent pendant l’enregistrement)
Les arrangements de la chanson dans cette nouvelle interprétation sont modifiés.
La chanson est plus riche, plus complexe avec un travail de voix polyphoniques. L’improvisation à la flûte à coulisse est remplacée par une improvisation vocale plus valorisante. La version des Hotshots est plus lente de 100 bpm (113 pour les Vagabonds). À la fin de la chanson les Hot shots accélèrent le rythme pour passer de 100 bpm à 120 bpm. Cette accélération finale peut aussi être vue comme l’évocation d’un acte sexuel. Enfin le texte est modifié, la phrase « When they gave her a production "E" » – qui est une référence au prix d’"Excellence" est remplacé par "When they gave her a production need."
Aucune de ces modifications ne semble être liée à la volonté de rendre la chanson plus « manipulatrice ». Le changement du texte est simplement là pour le rendre plus compréhensif.
Certes, le côté burlesque est atténué, mais le fameux « Brrr » est introduit “tel quel”, ce que les Hotshots n’avaient pas fait en le remplaçant par une percussion au son sec. Comme nous l’avons vu, ce son n’est pas représentatif du son réel d’une riveteuse. Étant sur la partition et ne sachant pas si les Four Vagabonds connaissaient la version précédente et le son réel de la riveteuse, on ne peut leur imputer le choix de l’introduire dans la chanson.

Est-ce de la Propagande ?

L’aspect burlesque de la première version de la chanson, les commentaires grivois du présentateur, le fait que l'enregistrement de la chanson soit un choix de dernière minute (dans la version des Four Vagabonds) montrent que la chanson est plus issue d’un processus créatif et artistique que d’un véritable calcul politique. Il ne s’agit pas de propagande telle que nous l’avons définie précédemment, définition qui inclut la volonté de manipuler l’opinion publique. 

Conclusion : Transformation et réalité?

Comme nous l’avons vu, Rosie the Riveter est un personnage de fiction. Elle doit son nom au seul fait qu’il est percutant, comme ce “Brrrrrr” dont le son ne correspond à rien de réaliste. Le personnage féminin est en fait fantasmé. La Rosie de la chanson est imaginée par des auteurs, des interprètes, des présentateurs qui sont tous des hommes et elle est conforme à la vision masculine de la société américaine de 1942. La représentation de Rosie sur la partition originale est sur ce point très instructive. Rosie, au travail, barbouillée de cambouis, ne nous en apparaît pas moins sensuelle, maquillée, fine et souriante très féminine. 



Cette chanson est aussi le reflet d’une réalité de femmes qui travaillent dans les usines à la place de leur compagnon. La fraîcheur , la légèreté et la qualité de la chanson permettent de faire accepter la réalité aux plus réticents et de donner aux femmes participant à l’effort de guerre un côté séduisant.
la chanson n’est pas une oeuvre de propagande. La chanson présente un personnage féminin tel que l’imaginent et la souhaitent les hommes de la société américaine en 1942. Cependant, la chanson annonce une nouvelle image de la femme tout en conservant une grande part des clichés historiques, grâce à l’humour et à la sensualité voire à l’érotisme. Elle engage de manière progressive le changement de l’image des femmes, de leur rapport au travail et de leur engagement dans l’effort de guerre. La chanson est un pont entre l’image de la gentille jeune fille : “little frail” et celle d’une femme qui est capable de bien plus qu’un homme : “more than a male will do”.
Réf 15 : University of Missouri-Kansas City. LaBudde Special Collections, Sheet Music Collection [en ligne]. [consulté le 15/01/2015]], Disponible sur Internet http://library.umkc.edu/sites/default/files/images/spec-col/col-sheet-music-rosie-the-riveter-1000px.jpg

jeudi 22 janvier 2015

La modification de l’image de la femme pendant la guerre



L’image de la femme pendant la seconde guerre mondiale commence à être modifiée par la célèbre chanson Rosie the Riveter mais aussi par nombre d’affiches dont plus particulièrement deux qui sont souvent rattachées à ce personnage. Dans un ordre chronologique, la première affiche est celle de Howard Miller et la seconde celle de Norman Rockwell. Afin de mesure l’impact réel sur l’image de la femme dans la société américaine nous comparerons les affiches et thèmes des films avant la guerre en 1936, 1942 et après la guerre en 1950. Ces deux années se voulant hors du contexte de guerre tout en restant encadrante de la période.
Avant la guerre 19 millions de femmes sont déclarées “travailleuses” aux USA sur une population active de 71 millions de personnes dont 4 millions de chômeurs (5,6 %), soit 25% de la population active Réf 16. Travailler en 1936 pour une femme est donc une situation minoritaire.

2.1 Image de la femme en 1936 dans les affiches de cinéma




En 1936, La guerre n’est pas encore déclarée en Europe. Dans l’imagerie américaine de cette année-là, les femmes sont représentées dans un rôle très traditionnel. Si la jeune fille peut travailler comme secrétaire, la femme mariée, elle, ne travaille pas en dehors des tâches ménagères ou, éventuellement, du travail à la ferme. Nous allons étudier l’image de la femme dans son rapport au travail à travers la production cinématographique de l’année 1936. Réf 17
Le film “Wife versus Secretary” de 1936 dirigé et co-produit par Clarence Brown représente bien cette position évolutive de la femme mariée qui est chargée de la maison alors que la jeune fille (libre), elle, travaille. La femme qui occupe un emploi le fait soit dans l’attente d’un époux soit pour rester libre. L’homme reste le pivot ou l’objectif de ces deux positions.

Un autre film de la même année est intéressant: “The Bridge Walks Out”. Celui-ci relate la vie d’une femme mariée dont le mari exige qu’elle ne travaille plus.

L’étude des affiches des autres films de l’année 1936 présentant des femmes est aussi très instructive. Bon nombre de ces images ont pour sujet des femmes associées à des hommes dans des positions langoureuses comme dans “The Jungle princess”.

Comme on peut le voir dans l’analyse de la production cinématographique de 1936, si la femme jeune peut travailler, la société américaine ne se représente pas la mère de famille comme une employée ou comme une personne qui exerce une activité indépendante.
Le personnage fictif Rosie the Riveter créé en 1942 dans une production musicale reflète le changement du rôle de la femme qui part travailler dans les usines pour aider sa patrie.

Réf 16 : 1941 aux USA,Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://fr.wikipedia.org/wiki/1941_aux_%C3%89tats-Unis

Réf 17 : List of American films of 1936, Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_American_films_of_1936

2.2 Image de la femme en 1942 dans les affiches de propagande et de Cinema

En 1942 la guerre bat son plein. Les Etats-Unis sont en guerre depuis décembre 1941. L’OWI, les artistes et l’industrie du cinéma tentent de porter main-forte à la nation. Que devient l’image de la femme cette année-là?

2.2.1 L’affiche par Miller 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/12/We_Can_Do_It%21.jpg/220px-We_Can_Do_It%21.jpg
L'affiche de Miller
L’affiche est réalisé en 1942 par J. Howard Miller , elle est placardée Dans une usine de la Westinghouse Electric Company du 15 au 28 février 1943. Oubliée, l’affiche est redécouverte dans les années 1980, elle devient associée au personnage de Rosie the Riveter, et est interprétée comme un symbole de féminisme. Réf 18
Réf 18 :The National Museum Americain History, Collections of the National Museum of American History [en ligne], site consulté le 15/01/2015, Disponible sur Internet http://americanhistory.si.edu/collections/search/object/nmah_538122

2.2.2 L’affiche par Rockwell
L'affiche de Rockwell
En 1941, Rockwell cherche à participer à l’effort de guerre, il souhaite proposer quatre œuvres inspirées du discours de Roosevelt du 6 janvier 1941 : Les « Four freedoms ». Son but devient de travailler pour le gouvernement mais bien que son travail soit apprécié, il est refusé. Il propose ses illustrations au journal le Saturday Evening Post, qui va les accepter avec enthousiasme. The four freedoms sont publiées du 20 Février jusqu’au 13 Mars 1943. C’est à la suite de cette collaboration que le Post publie le portrait de Rosie par Norman Rockwell. 

2.2.2 Analyse du tableau de Rockwell

Faire accepter sa Rosie par le Post à du être encore plus facile que pour les Four Freedooms, en effet “Selon les fichiers de l’OWI, les magazines étaient de fervents supporters de la campagne “womanpower”, peut-être à cause du fait que leur public était essentiellement féminin” Réf 19

La peinture (huile sur toile de 52x40) présente Rosie the Riveter assise pour sa pause déjeuner devant un drapeau américain, les pieds écrasant le livre manifeste d’Hitler, Mein Kampf. C’est une femme puissante et dominante. Elle a des épaules larges, des bras musclés et un pistolet à riveter sur les genoux. Son caractère masculin est accentué par ses cheveux courts, ses vêtements et ses chaussures d’homme. Cette représentation de la femme dans la peinture est inhabituelle pour l’époque. Sa tenue bleue, ses chaussettes rouges et ses cheveux roux renforcent les couleurs patriotiques du drapeau américain. On identifie le personnage de Rosie the Riveter par l’inscription « Rosie » sur sa gamelle.

Lorsque le spectateur regarde l’œuvre de Rockwell, Rosie lui apparaît en surplomb, comme pour le dominer. Son regard dirigé vers le bas peut être interprété comme une salutation méprisante. Les proportions des jambes et du torse confortent l’impression d’un personnage grand et massif. 


Comparaison entre l'affiche et le travail de Michel-Ange
Rockwell fait une référence explicite à un détail du plafond de la chapelle Sixtine où le prophète Isaac est représenté dans une position identique à celle de Rosie. Cette référence à l’oeuvre de Michel-Ange procure chez le spectateur la sensation d’être en face d’un personnage important. L’artiste a conservé à Rosie une taille fine, des formes voluptueuses et un visage doux. 

D’après la définition de propagande adoptée dans ce travail, Rockwell est dans un système propagandiste. En effet, par l’utilisation de techniques maîtrisées, en proposant une image de femme puissante et en manipulant des symboles patriotiques (drapeau, couleurs), des symboles sociétaux (position de la femme, contexte du travail, badge de la croix rouge,… ) et des symboles religieux (référence à la peinture de Michel-Ange), Rockwell modifie l’image traditionnelle de la femme. Ceci est fait de façon consciente, avec le désir de pousser les femmes à s’engager pour aider le pays sur le modèle de Rosie the Riveter. 

Pourtant, il ne s’agit pas d’une œuvre de propagande puisque l’artiste a accompli ce travail par conviction personnelle (et Rockwell a tenté de faire publier par l’O.W.I. d’autres oeuvres dans une même dynamique). Le gouvernement (ou l’O.W.I.) n’est pas directement intervenu. Les éléments mobilisés en vue de convaincre les citoyens le sont par un autre citoyen qui ne cherche pas à manipuler les esprits mais à les éveiller. 
Réf 19 : Maureen Honey. Creating Rosie The Riveter: Class, Gender, and Propaganda During World War II, p 38, Univ of Massachusetts Press, 1984

Conclusion : Transformation fantasme et réalité

En refusant ses oeuvres, l’OWI encourage quand même Rockwell à les publier. La représentation que Rockwell fait de Rosie ne se conforme pas exactement à son modèle Mary Doyle, qui est bien plus menue et a des traits biens plus doux. Il s’en est excusé en déclarant que : « C’était pour la rendre plus apte à manier le lourd pistolet à riveter ». Par cette musculature symbolique le peintre veut persuader de la capacité des femmes à effectuer des travaux jusque là réservés aux hommes. L’artiste engage les femmes à contribuer à l’effort de guerre à travers son œuvre en leur montrant que cette situation de femme puissante au travail est possible, “la preuve ? Rosie the Riveter”. Cependant, de façon à ce que les femmes puissent se projeter dans une situation de travail industriel et que les hommes restent séduits, Rosie conserve un certain caractère féminin.Ici aussi, comme pour la chanson traitée dans cette partie, il ne s’agit assurément pas de propagande d'Etat. Cependant, Rockwell inscrit son travail dans un cadre lié à l’effort de guerre et à la volonté de convaincre ses concitoyens. L’image de la femme est modifiée de façon plus engagée que dans la chanson. La Rosie de Rockwell est devenue plus forte, plus masculine, plus déterminée. Le personnage de Rosie s’est transformé en symbole de la femme qui travaille. Cependant, l’image de la femme au cinéma en est-elle pour autant bouleversée? 
2.2.3 Analyse des affiches et scénarios du cinéma américain de 1942

f1.jpg

Les films de 1942 sont bien sûr axés en grande partie sur la guerre. cependant en 1942 beaucoup de films sont des films de détente, mais il y a des films de propagande. Le film The Arm Behind the Army est clairement orienté pour promouvoir le home front Réf 20. Mais Le seul extrait que nous ayons trouvé ne semble pas mettre en évidence de femme au travail Réf 21 dans des activités tenues pour masculines: là encore, les hommes construisent des avions et les femmes sont davantage sur des travaux mettant en oeuvre du textile (c.f. Figure 6). Par ailleurs, dans le cinéma de divertissement, la femme conserve une place traditionnelle. Ainsi, dans The Big Street, Lucille Ball est une chanteuse.

Les femmes peuvent trouver une place dans le genre film de guerre en tant que soldats. Ainsi, dans le film Eagle Squadron Diana Barrymore joue une aviatrice. Mais les productions comme My Gal Sal où Rita Hayworth est une danseuse ou encore Roxie Hart continuent à cantonner les femmes dans des métiers artistiques.En somme, en 1942, la Rosie puissante et engagée de Rockwell trouve peu d’équivalent au cinéma.
Réf 20 : The Arm Behind the Army, Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/The_Arm_Behind_the_Army
Réf 21 : The arm behind the army 1942, Youtube, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL https://www.youtube.com/watch?x-yt-ts=1421782837&v=D6nosqKbRs8&feature=player_detailpage&x-yt-cl=84359240

2.3 Image de la femme en 1950 dans les affiches de cinéma

L’image de la femme et du travail à travers la production cinématographique de l’année 1950 ne montre guère d’évolution par rapport à 1942Un film comme Tarzan et la femme “esclave” Réf 23 en sont la preuve évidente. L’indépendance est toujours mal vue. Dans le film No Man of Her Own Réf 24 une jeune femme enceinte, “sans homme”, mais qui travaille comme modèle, n’a d’autre alternative que d’usurper l’identité d’une autre personne pour trouver une statut de veuve qui lui permettra d’élever son enfant.

Figure 8 : 4 films américains de 1950 : Tarsan et la femme esclave, Noman of her own, September affair et To please a lady.  Réf 22


Il y a cependant certaines exceptions et nous remarquons que plusieurs films ont pour héroïnes des femmes qui travaillent. Ainsi dans September Affair, la femme est une pianiste internationale. Dans To please a lady, le personnage féminin est une journaliste. Dans le films Three Came Home elle est écrivaine et dans My Blue Heaven elle est journaliste de radio. Toutefois, comme on peut le voir, les métiers féminins représentés ici ne sont pas des métiers manuels ou exigeant de la force physique. Ce sont des métiers du spectacle (journaliste de radio, pianiste) ou de la représentation (modèle).

Réf 22 : List of American films of 1950, Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_American_films_of_1950 
Réf 23 : Tarzan et la femme esclave, Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/Tarzan_and_the_Slave_Gir
Réf 24 : No Man of Her Own , URL : 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/No_Man_of_Her_Own

2.4 Conclusion

L’étude d’une partie de la production cinématographique américaine d’avant-guerre (1936) pendant (1942) et après-guerre (1950) semble montrer que l’image de la femme n’a finalement pas beaucoup changé durant ces années. Ce n’est pas une surprise car seulement 16 ans se sont passés. Certes, en 1942 le stéréotype est temporairement modifié, la nécessité faisant loi. Mais en 1950, les choses ont l’air d’être bien vite revenues à leur place. Pourtant, un film comme No Man of Her Own en 1950, laisse entrevoir la possibilité d’un changement. En effet, dans le film Helen Ferguson, qui travaille et vit seule avec un enfant, va presque réussir à retrouver un statut social correct. Mais le film qui est l’histoire d’un échec, est bien en avance sur son temps. Nous en voulons pour preuve le remake de 1996 Mrs. Winterbourne Réf 25.Les représentations de Rosie the Riveter n’ont pas été synonymes d’un changement radical dans l’image de la femme et dans sa représentation au travail dans les années d’après-guerre aux USA. L’année 1942 n’a été qu’une faille, une faille que la société américaine à voulu ignorer. Mais cette faille ne s’est pas complètement refermée, c’est cela qui a permis ensuite un lent changement vers la situation actuelle puisque les femmes représentaient 35% des travailleurs en 1970 au États-Unis et en 2009 elles sont presque 50% avec, cependant, comme en France, un salaire inférieur de 20% à celui d’un homme en moyenne pour un poste équivalent Réf 26.

Réf 25 : Mrs. Winterbourne, Wikipedia, 2014 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://en.wikipedia.org/wiki/Mrs._Winterbourne Réf 26 : La crise pousse les Américaines à travailler,2009 [en ligne], consulté le 15/01/2015, URL http://www.lefigaro.fr/emploi/2009/11/18/01010-20091118ARTFIG00628-la-crise-pousse-les-americaines-a-travailler-.php


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